|| Rédemption

- Grand père! Grand père!

Mes pieds soulevaient des nuages de fumée, tandis que j’accourrai vers le vieil homme. Il avait une longue barbe blanche, comme le père noël, du moins l’image que l’on nous en donnait. Ses yeux pétillaient de joie, de vie, en comparaison à son petit corps trapu, qui avec les années souffrait de la vieillesse. Il était tout pour moi, ma seule famille, mon seul refuge, un peu comme lui avec son jardin… Il était toujours fourré là-bas, avec ses plantations, même par grand froid.

- Lou, cesse de t’agiter! Viens avec moi.

Je l’ai suivis sans un mot, surprise par le ton qu’il avait employé, et le sérieux qu’il affichait. Il me désigna un tapis d’herbe fraichement coupée où il m’intima de m’allonger. J’obéis, car c’était toujours ainsi, je lui avais toujours obéis, même lorsque ses ordres paraissaient stupides. Il s’empara de mes mains, les posaient sur mon ventre, me gratifia d’un sourire. Après quoi il posa sa main sur mon front, là où se trouve le troisième œil, le mauvais œil si vous préférez; celui qui généralement ouvre la porte sur le monde des esprits…

- Respire avec le ventre, et concentres toi sur ma main, quand tu apercevras la porte, pousses la, surtout, n’hésite pas.

Je me souvins alors d’une histoire vieille de plusieurs années, celle que me racontait ma mère avant de m’endormir. A l’époque j’étais fascinée par ce conte, mais en était-il vraiment un?! Toujours est-il qu’il narrait l’histoire d’un homme, avide de pouvoir. Ainsi, pour accéder au trône, il avait supplié un mage de lui transmettre son don, afin qu’à son tour il puisse pousser la porte des esprits. Le mage menacé de mort n’avait pas vraiment eu le choix, malgré ses mises en garde sur le danger de cette manœuvre, l’homme à l’aura noir s’entêta. La porte passée, à son réveil il fut comblé, apaisé, mais ce qu’il ne savait pas, c’est qu’en échange du don que l’on acquiert en poussant la porte du monde des esprits, il faut payer une compensation, il faut donner ce qui nous est le plus précieux, hors lui possédait le pouvoir, mais il en voulait plus, toujours plus, hélas, tout ce qu’il avait acquit était devenu fumée. Il fut enfermé dans l’une des plus haute tour d’un château pour trahison envers le roi, ainsi jamais il n‘accéda au trône…jamais, car il faut savoir que la porte doit être poussé, qu’en connaissance de cause. Seul les personnes aux intentions pures peuvent se servir de leurs dons…. Le troisième œil est impénétrable.

Je me souvins de ses paroles, un peu trop tard seulement, j’avais déjà abaissé la poignée, la vielle porte en pin vernie grinça, puis s’ouvrit. Un flot d’images m’assaillie, celle des mes vies antérieures, d’inconnus, puis le tintement d’une clochette me réveilla…
Les feuilles des arbres s’agitaient paisiblement, le vent murmurait une douce chanson, j’étais apaisée, heureuse, sur un petit nuage, loin des soucis de ce monde. Mon regard se posa à l’endroit où devait se tenir le vieille homme qu’était mon grand père maternel, là où il n’était plus, où il avait disparu… En compensation du don que j’avais acquis, afin de pousser la porte des esprits, j’avais donner ce que je possédais de plus cher : ma famille...

Il s’est passé plusieurs jours, avant que je ne prenne pleinement conscience de l’enjeux de cette histoire. Bien que je n’eu jamais cru au troisième œil, j’avais la preuve formelle qu’il existait. Puisqu’il n’était plus là, lui, ma seule famille.

Il s’est ensuite passé plusieurs mois avant que je ne découvre mon don : celui de voir l’avenir; puis une année entière s’est écoulée… Jusqu’à ce que je trouve un refuge, un endroit où me poser, un pensionnat qui accueillait des personnes comme moi, capables de choses fabuleuses ou monstrueuses, tout dépendait de l’utilisation que l’on faisait de notre « pouvoir ». Toujours est-il que là bas, j’ai réussi à m’accepter, à me pardonner l’abomination que j’avais commise en ouvrant cette porte.

J’ai appris auprès des autres, que ce don était transmit de génération en génération, à des personnes bien définies, visiblement tout le monde n’est pas prédestiné à pousser la porte. Malheureusement, le choix de franchir cette porte ne nous appartient pas toujours… C’est celui qui donne le don, qui choisit ou non de vous le transmettre, ou de vous informer des conséquences que cela aura sur votre vie. Tout comme vous aurez à votre tour le choix de transmettre votre force… Sachez qu’il peut sauver des vies, comme en reprendre. Il y a le bien et le mal, le blanc et le noir.
Il faut toujours décider de l’utilisation de son don avec grand soin.